Appelons-la Muriel. Elle entre 22 ans et 28 ans et se cherche (c'est un euphémisme). Elle est aussi très adolescente dans ses réparties abruptes et ses idées préconçues. Elle lit beaucoup, c'est-à-dire tous les livres de développement personnel qu’elle trouve. Mais elle se désole de n’en pas dépasser les premiers chapitres.
Je pourrais lui dire que c'est normal, que dans leur majorité, ils sont mal écrits (ou mal traduits), quand ils ne sont pas tout simplement de la bouillie pour chat : mélange de truismes et d'évidences, de phrases vraies dans tous les cas.
Exemples : Si commencer est facile, finir l’est moins. En effet, il n’est pas rare que la volonté qui nous a animés au début perde en intensité avec le temps...[...] bien sûr si l’entourage peut nous inciter à aller de l’avant, il est aussi en mesure de briser nos rêves. [...] Pour y faire face, la confiance en soi est capitale. [...] Etc.
Certes, tout ça n'est pas faux et montre la grande connaissance du sujet par son auteur. Mais est-il nécessaire de publier un nouveau livre pour dire ÇA ? (Oui, parler du Ça serait sans doute plus utile ; mais pas pour ma lectrice...)
Non, le vrai problème de ma lectrice est que la réponse à son mal-être ne se trouve pas dans les livres. Bien entendu, parfois, un livre est un passeur, ou une invitation. Je me souviens des Mots pour le dire de Maria Cardinal ; ou peut-être du Loup des steppes, de Herman Hesse, ou de son Siddhartha.
Changer, c'est dans la relation que cela se fait. La relation, l'échange, la réflexion accompagnée, au risque bien entendu de se confronter à ce qui résiste en soi, de croyances, de mécanismes de défenses, etc. On change pour aller mieux, pour s'accomplir, pour dépasser ses blocages ; on change par remaniements internes, par déplacement des points de vue internes, sur soi, sur l'autre, sur ses angoisses... Mais tout cela passe par une rencontre, fut-elle d'inconscient à inconscient, fut-elle sur le plan symbolique.
Non, les livres de développement personnel sont une bonne excuse pour rester en deçà du voyage intérieur.
Mais Muriel ne le sait pas, et ne peut le comprendre. Car elle n'est pas prête à changer.