Quelqu'un dit quelque chose.
Une chose pensée, réfléchie. Mûrie. Une chose qui a du sens ou qui fait sens tout d'un coup, parce qu'elle est à la fois neuve et attendue : neuve parce qu'on ne l'a jamais entendue dire ; et attendue parce qu'on l'avait fait sienne avant qu'elle ne vienne, sans qu'on le sût : soit parce qu'on n'avait pas les mots, soit parce que cela était confus, vague, non formulé.
Chose neuve et attendue parce que vous ne vous satisfaisiez plus des idées communes. Qu'il semblait y avoir une faille ou des incohérences, une invraisemblance dans le discours habituel. Les clercs paraissaient se répéter et vous laisser tomber : conformité, clichés, langage de complaisance et de reconnaissance. Vous n'aviez pas de place dans ce milieu. Vous vous en sentiez rejeté. Surtout, vous le rejetiez.
Chose attendue aussi parce que tout d'un coup, de ce qu'il ne parle pas comme les autres, quelqu'un vous semble proche. Ce qu'il dit est sensé et original. Critique et assuré. Certain et novateur. Et qu'enfin vous respirez.
Voilà que vous entendez ce quelque chose. Un quelque chose qui parle. Un quelque chose qui vous parle parce que cela devrait être vos propres mots. Queqlu'un est votre bouche.
Ainsi sont les rencontres.
Ainsi est le formateur : une bouche qui parle pour dire ce que vous savez déjà du fond du cœur. Et qui vous permet d'advenir à une vérité de vous-même.
La formation n'est jamais qu'une rencontre entre l'humain et l'humain. Tout ce qui n'en serait pas est caricature de l'humain.
Je voudrais ici rendre hommage à quelques uns de ceux qui ont été cette bouche pour moi. Des "formateurs" qui m'ont fait voir la réalité sous un éclairage différent des lumières habituelles.
Pour l'instant, je citerais : Hameline et son approche de la pédagogie par les objectifs ; Mintzberg, à travers "Structure et dynamique des organisations" ; B. Cyrulnik, dans sa psychiatrie comparative ; Resnik, franc-tireur de la psychanalyse ; et un cardiologue à la retraite, inconnu, rencontré un jour à Lariboisière, où je venais de subir une dilatation coronarienne.
En toute chose, il faut du souffle. Surtout, à la fois, le sens de l'urgence, du désir, de la vie. Et sans doute la tenaille de la mort, en filigrane. Quelque chose qui relève d'une foi. En une transcendance. Pour être.
Ce que je vous invite à partager avec moi.
[15 janvier 2002]