Je mis longtemps à aimer les anacoluthes*.
Au début, il y en avait assez peu dans mon jardin, jusqu'à ce que je commence à en trouver de très belles.
Il faut dire que la forme commune est une défaut dans la syntaxe, qui rend la phrase boiteuse, cocasse ou juste lourde.
Exemples : « Je trouve que l'euthanasie, si elle était pratiquée dans toute société civilisée, il y aurait de graves conséquences. »
[proposé par le site fis.ucalgary.ca/Brian/ecrire/e-anacoluthe.htm ]
Mais les anacoluthes peuvent être magnifiques.
Une des plus belles que j'aie est celle de Pascal, pour laquelle je fus lent à savoir en humer le parfum. Je vous la rappelle : « Le nez de Cléopatre, s'il eut été plus court, la face du monde en aurait été changé. »
Et de José-Maria de Heredia (Les conquérants) :
« Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ;... »
De La Fontaine,
« Et pleurés du vieillard, il grava sur leur marbre
Ce que je viens de raconter. »
Wiki propose aussi : "« Moi, mes souliers ont beaucoup voyagé… » de Félix Leclerc.
Variantes, les anastrophes, c'est-à-dire une inversion de l'ordre habituel des mots d'un énoncé pour créer un effet de langue raffiné (dixit Wikipédia).
J'en goûte une, de Corneille (Cinna) :
« Toutes les dignités que tu m'as demandées,
Je te les ai sur l'heure et sans peine accordées. »
Encore de Racine (Athalie), très doué en anastrophes ;
« Vous voulez que ce Dieu vous comble de bienfaits Et ne l'aimer jamais ? »
Enfin, allez sur Wikipedia...
* Quand je dis que j'aime les anacoluthes, je me force : la chose est belle en soi, mais le nom me rappelle trop l'anaconda (Eunectes murinus L.) pour que je ne sois point poigné (du verbe poindre) d'une étrange étreinte.